1935
“Ah! mes chéris plus je
vais vers la tombe plus je pense à vous dans l'avenir.
“Que sera-t'il pour vous?...
“Quelle que soit la voie que vous suivrez, je demande à celui qui
fait nos destinées de mettre dans la vôtre un peu de bonheur, c'est
si triste au soir de la vie de n'avoir pas un coin bleu où reposer ses
pensées. Une vie n'est jamais complètement heureuse, le bonheur
complet n'est pas de ce monde; mais lorsque l'on a un foyer où tout s'harmonise,
où tout se partage, joies et peines, où l'on vit l'un par l'autre
et pour ses enfants, la part de ceux-là est belle, et ils doivent en
remercier le ciel.
“Pour atteindre ce but, mes chers petits, il faut prier d'abord pour que
Dieu vous guide et vous protège; il faut faire son devoir toujours et
en toutes circonstances, chacun a le sien en ce monde; enfin il faut bien
choisir celle qui sera la mère de vos enfants.
“C'est elle, c'est la femme, qui fait véritablement le foyer
si elle sait comprendre ses devoirs et la beauté de son rôle.
“Aimer son mari, le rendre heureux; aimer ses enfants,
les élever avec intelligence et bonté , former soi-même leurs
âmes et leurs natures, en faire des hommes de valeur, et des
femmes vraiment femmes, quelle satisfaction pour une
mère d'atteindre ce but, et combien il est méritoire.
“Le mari travaille pour sa famille; mais c'est la mère qui
forme ses enfants; soins matériels lorsqu'ils sont jeunes, formation
morale à mesure qu'ils grandissent; voilà le vrai rôle de
la femme dans la famille; trop de femmes le négligent ou s'en écartent
actuellement, de là les mauvaises générations.
“C'est une compagne de ce genre que je vous souhaite, mes enfants bien
aimés, vous aurez de la peine à la trouver car dans votre
génération, elles n'abondent pas; je veux cependant espérer
que vous tomberez sur les heureuses exceptions.
“De votre côté, il ne faudra jamais oublier qu'à cette
compagne d'élection vous devrez l'amour vrai et fidèle,
votre protection dans la vie,votre soutien dans l'épreuve, votre
aide matérielle et morale pour élever vos enfants.
“Pour bien remplir son rôle d'épouse et de mère,
une femme a besoin d'aimer et d'être aimée; cette
affection est sa forcedans le devoir et dans l'épreuve.
“Mes aînés [elle s'adresse
aux deux premiers frères,
Jean et Pierre] me comprendront; il faudra
qu'ils préparent
la voie aux plus jeunes, qu'ils les aident de leurs conseils
et de leur expérience, et qu'ils fassent pour eux ce que j'aurais
voulu faire si j'avais été plus jeune.
“Souvenez vous aussi qu'il n'y a pas de meilleure leçon que
l'exemple; la logique de l'enfant est rigoureuse, agir
sur eux par l'exemple est le point primordial.
“Suivez mes conseils, mes enfants, et quoique vous apporte
la vie, vous n'aurez pas à le regretter.
“On peut avoir à souffrir en ce monde, mais le quitter avec
l'impresion d'une conscience nette et du devoir accompli
est tout de même un réconfort. S'il est vrai que les prières
des morts sont profitables à ceux que l'on a aimés ici-bas,
les miennes vous suivront toujours.
"Ne m'oubliez pas.
Grand' mère
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Marie Kablé, née Villa, vers 1888, à Constantine (Algérie) après
la naissance de ses deux enfants.
La
voici à la fin de sa vie, sans doute en 1939... |