Histoire de famille de Pierre QUIDET.

 

1/ L'enfance à Saint-Aubin-lès-Elbeuf

Nous avons vu dans la généalogie familiale comment les Quidet, lignée de charpentiers de la région d'Anet en Eure et Loir vinrent s'installer à Elbeuf, créant vers 1860 la Fabrique du Cours Carnot, et devenant l'une des familles importantes de la cité du drap.
La Maison QUIDET, spécialisée dans la production de Draps d'Officiers, était connue pour ses draps souples et satinés, dont mon arrière-grand-père Henri Quidet avait seul le secret qui fit sa prospérité. Durant la première guerre mondiale, les officiers supérieurs, le Général en Chef Joffre entre autres, portaient des uniformes taillés dans du Drap Quidet.

perissoire
(pour voir le site de l'auteur, cliquer sur l'image).

Son plus jeune fils Georges Quidet, notre grand-père, travaillait dans l'affaire familiale à la fabrique Cours Carnot à Elbeuf. Il était chargé de la commercialisation des draps et s'occupait donc de la clientèle .

Après ses heures de bureau, il avait l'habitude de se détendre en pratiquant l'aviron. Il y avait encore dans la maison deSaint-Aubin, quand j'étais enfant, dans la pièce appelée la "lingerie", posé sur une grande table, un long esquif à un seul rameur, qu'on appelait la "périssoire" (tout un programme...) avec lequel il passait une heure chaque soir à pagayer sur la seine.

J'ai trouvé ici une jolie illustration de ce genre de bateau, d'après une toile de Gustave Caillebotte. Imaginons notre grand-père suivant la Seine avec son chapeau...

 

 

 

 

Dans le cadre de ses activités commerciales, il devait voyager dans l'Europe entière, visitant ses clients dans de nombreux pays comme la Hongrie, l'Autriche, les Balkans etc... Il parlait parfaitement la langue allemande, bien qu'à l'époque le français fut utilisé à peu près partout en Europe dans les familles aisées et les milieux d'affaire. Georges se rendait aussi fréquement en Algérie, alors département français, où il commerçait avec les détaillants et les tailleurs qui réalisaient les uniformes d'officiers en garnison, et les costumes à l'usage des civils.

Visitant la ville de Constantine dès 1905 il eut à prendre contact pour ses transactions commerciales avec la banque importante de cette ville, le Crédit Foncier de Constantine. Il y rencontra la direction, et eut des contacts avec les notables de la place. Je rappelle que le Directeur de cette Banque était, jusque dans les années 1880 Léon VILLA, dont la fille Marie avait épousé Charles KABLÉ, Directeur de la Compagnie d'assurances La Paternelle de Constantine (Voir ce chapitre de la généalogie familiale).
Georges Quidet, bel homme agréable et d'un excellent milieu, eut donc l'occasion d'être reçu dans les familles Villa et Kablé. Il y rencontra une jeune fille ravissante Jeanne Kablé, fille de Charles Kablé et Marie Villa. Ils se fiancèrent vers 1907, et leur mariage s'organisa. Il fut décidé que les beaux-parents Charles Kablé, et son épouse, viendraient à cette occasion s'établir en Normandie à Elbeuf, auprès de sa fille et de son gendre, quittant ainsi définitivement l'Algérie. Charles Kablé s'établit donc en 1907 à Elbeuf comme "Filateur" c'est à dire fabricant de tissus. C'est cette profession qui figure sur son acte de décès.

Le mariage civil de Georges QUIDET et Jeanne KABLÉ eut lieu à St-Aubin le 23 juin 1911. Le 3 juin précédent, ils avaient fait établir un Contrat de Mariage, chez Maître NOYELLE, notaire à Elbeuf. (J'essayerai d'obtenir les minutes de ce Contrat).

Sur la page de garde du livret de famille de Georges Quidet, il est indiqué que nos grands-parents sont domiciliés à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, au moment de leur mariage le 23 juin 1911. Je suppose qu'il s'agit déjà de la maison sise au 63 de la rue Isidore Maille, maison que nous avons bien connue dans notre enfance... (Voir photos de Saint-Aubin).

Les parents de Jeanne Kablé, Marie Villa et Charles Kablé habitaient une autre maison que celle des jeunes mariés et ceci jusqu'au décès de Charles en 1924. Je ne me souviens plus où se trouvait cette maison qu'ils avaient louée (peut-être au cousin Joseph Sorel, beau-frère de Georges dont avait épousé la sœur Gabrielle, et médecin de la famille. Ce cousin Sorel fut le père de Madeleine qui initia la généalogie familiale, et de Suzane qui épousa Jacques Rafin).

NOTA: J'ai peu d'éléments sur la vie quotidienne de la famille de Georges QUIDET avant la guerre 1914-1918. Je fais donc appel à vous si vous possédez des éléments...

 

La première naissance est celle de Jean-Marie, l'oncle Jean donc, comme nous l'appelions, qui voit le jour le 31 août 1912. Les photos de cette année nous montrent notre grand-mère et Jean, tout petit, dans le jardin de la maison de Saint-Aubin, puis avec ses parents dans la maison.

Papa racontait que sa mère avait confié Jean à une nourrice qui avait également en charge le petit Louis Sorel, fils de l'oncle Joseph Sorel et de la tante Gabrielle Quidet, l'une des sœurs aînées de Georges. Comme Louis était assez goulu, il épuisait la nourrice qui n'avait plus guère de lait pour le petit Jean. Ce dernier dépérissait donc, et faillit mourrir avant qu'on s'aperçoive de ce 'déficit lacté'!

Mais à peine plus d'un an après la naissance de Jean, c'est Pierre qui naquit à son tour, le 30 octobre 1913.

Nous voyons ci-contre les deux premiers fils sur les genoux de leur père vers juin 1914, peu de temps donc avant la mobilisation d'août 1914. Malgré les rumeurs de conflit, on était encore heureux, ignorant de la boucherie qui se profilait à l'horizon...

C'est donc en Août 1914 que Georges sera mobilisé, comme tous les français. Son âge à cette époque (35 ans) lui vaudra cependant de rejoindre comme Adjudant-chef Vaguemestre (responsable du service postal de l'unité) le 11ème Régiment d'Artillerie de Campagne, plus connu sous le nom de 11è RAC.

Il rejoint le 2 août 1914 cette unité en formation à Rouen, non loin d'Elbeuf donc.
Constituant l'artillerie de corps du 3ème C.A., il est transporté à partir du 5 août dans les Ardennes, au nord de Rethel. Après quelques étapes longues et pénibles, il entre le 17 en Belgique. Le 22 août, ils entrent dans la bataille sur la Sambre au sein du dispositif formé par la 5ème Armée.
Pendant plus de quatre années de guerre, Georges QUIDET connaîtra ainsi la Belgique, la Somme, la Meuse, l'Aisne, la Champagne, Craonne Verdun et Douaumont...

On trouvera le détail du parcours de cette unité en lisant son intéressant JOURNAL DE MARCHE.

Notre grand-père parlait peu de ces années dont le souvenir restait pénible. Il me disait surtout qu'il en était revenu atteint d'une surdité importante due à la proximité des batteries de canons. Cettte surdité, accompagnée d'accouphènes importants

liv1
livret de famille page 1

liv2
livret de famille page 2, naissance de jean-Marie et Pierre.

jardin
les jeunes mariés, vers 1916 dans le jardin.

jean jean2
Jean âgé de 3 mois, fin 1912

jean_pierre
Georges et ses deux premiers fils, Jean et Pierre, juin 1914.

 

Laissons passer (provisoirement) quelques années pour arriver en 1929.

La Banque VILLA créée en 1807 à Millau en Aveyron, avait présidé à la fortune de la famille dont était issue notre grand-mère Jeanne Kablé, par sa mère Marie VILLA. (voir détails dans la généalogie familiale : HISTOIRE de le famille VILLA, et celle de la banque).
Le mariage de Clémence VILLA, fille du banquier Achille VILLA et grand-tante de Jeanne Kablé, avec Agénor BARDOUX, homme politique français, ouvrait un intéressant réseau de relations à la famille (voir les détails ICI). Les fils d'Agénor Jacques et Jean firent une brillante carrière.
Le premier, Jacques (1874-1959) sera Député, Sénateur, Professeur d'Economie Politique, homme de lettres, journaliste, membre de l'académie des sciences morales et politiques.
Jean, le second, plus modestement, sera secrétaire général adjoint de la Chambre de commerce de Marseille et surtout écrivain (homme de lettres comme on disait alors).

A la mi-année 1929, les enfants de Geoarges QUIDET ont grandi :
Jean-Marie l'aîné approche de ses 17 ans. Il vient de passer avec succè son baccalauréat Philosophie au Collège Ste Croix de Neuilly, et ses parents s'interrogent sur la suite de ses études. Son père voudrait le voir passer son baccalauréat en Mathématiques, sa mère, elle, n'est pas convaincue de la validité de cette décision. Elle pense à son cousin Jacques BARDOUX, dont la brillante carrière laisse à penser qu'il sera de bon conseil!

Le 14 octobre 1929 elle lui écrit une lettre que vous pouvez lire en cliquent sur l'image ci-contre. Elle lui demande son avis sur l'orientation à donner aux études de Jean, et lui propose de le rencontrer à sa convenance.

La réponse de Jacques BARDOUX, datée du 16 octobre (la poste était rapide à l'époque...) montre qu'il ne s'engage pas trop, donnant des conseils plutôt d'ordre général.

Cependant, une correspondance régulière s'établira entre Jean-Marie et Jacques BARDOUX, ce dernier s'intéressant aux études de son petit-cousin.

Je mettrai cette correspondance en ligne sous peu.

 

 

 

 

 

Pierre, également à Sainte Croix, fait d'excellentes études, portées plus vers les sciences en raison de son gôut pour les sciences de la nature. Il passera donc un baccalauréat Méthématiques éléméentaires.

Jacques et François, plus jeunes apparaîssent peu à cette époque dans les correspondances familiales.

 

 

famille quidet 1929
Georges Quidet,Marie KABLÉ sa belle-mère, Jeanne sa femme, et leurs quatre fils, Elbeuf été 1929.

 

lettre jeanne 1929
Jeanne QUIDET écrit à Jacqsues BARDOUX son cousin 14 oct 1929.

reponse bardoux
la réponse de Jacqsues BARDOUX.

Décembre 1930 : le malheur frappe la famille...

Le dimanche 28 décembre 1930, le malheur frappe la famille Quidet. Comme chaque dimanche après-midi, on se rend à pied au cimetière de Saint-Aubin-lès-Elbeuf , situé derrière la gare, non loin de la rue Isidore-Maille où se trouve la maison familiale. Dans ce cimetière se trouve la tombe de Charles KABLÉ le mari de Marie VILLA et père de Jeanne, notre grand-mère. La promenade est plaisante et permet de dissiper les quelques somnolences consécutives au repas familail de ce dimanche d'après Noël.
Rentrés à la maison vers 17 heures, ma grand mère se plaint d'avoir chaud. On lui donne un grand-verre d'eau glacée qu'elle boît d'un trait. Elle ressent presqu'aussitôt un malaise et perd connaissance.
Elle vient de faire une congestion cérébrale, et reste ainsi paralysée sans pouvoir parler. Le médecin de famille (le cousin Joseph Sorel) appelé bientôt ne sut que faire, et elle décéde le lendemain sans avoir pu s'exprimer. Elle est âgée de 47 ans (Récit de notre père Pierre Quidet, âgé de 17 ans).

On imagine pour les quatre fils de Jeanne KABLÉ ce que dut être l'écroulement de leur univers familial : une mère est irremplaçable pour des garçons de 10 à 18 ans. La détresse également de Georges notre grand-père habitué à déléguer les décisons importantes à son épouse. Enfin, celle de Marie KABLÉ sa mère, veuve depuis 1924 et dont le fils Paul a disparu en 1915 sur le front, dans l'Arois.

 

Après ce décès brutal et douloureux la vie s'organisa autour de Georges QUIDET et de Marie VILLA sa belle-mère, qui s'occupa avec beaucoup d'affection des quatre garçons, ses petit-fils. Je détiens divers écrits et correspondances montrant que sa grande préoccupation fut l'avenir de sa "nichée", et que l'avenir des enfants l'occupa jusqu'à sa disparition le 6 mars 1940.
Nous reparlerons de cette période qui va de 1930 à sa mort.

faire-part de décéès de Jeanne Quidet
faire-part de décès de Jeanne Quidet.

 

Année 1931 et suivantes :
à Elbeuf, la crise touche largement les industries du drap, et la famille QUIDET comme les autres.
Mon arrière grand-mère voit son gendre se débattre dans les difficultés financières qu'on n'avait pas prévues, et dans l'incapacité de financer les études de ses fils. On fait appel au cousin Jacques BARDOUX dont l'influence permettra d'obtenir un prêt sur l'honneur pour Jean puis pour Pierre.

Voici copie d'une lettre adressée le 31 octobre 1931 par Georges QUIDET à Jacques BARDOUX pour le remercier d'avoir cautionné un prêt d'honneur souscrit par Jean-Marie auprès de l'Université afin de poursuivre ses études (cliquer sur la vignette).

Cette lettre fait également état des difficultés financières et des craintes liées à la déconfiture de l'industrie drappière à Elbeuf.

lettre de Georges Quidet à J.Bardoux 1931.
lettre adressée le 31 octobre 1931 par Georges QUIDET à Jacques BARDOUX

 


A bientôt pour la suite...

JMQ 22-Avr-2010

 

 

 

 

 

 

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